Nommer l'innommable


Je n'arrive pas à nommer l'infamie.

Pourtant aujourd'hui je sais.

Aujourd'hui je n'ai plus mal. 

Nommer c'est risquer de me retrouver encore plus seule.

Nommer c'est prendre le risque d'être jugée.

Nommer cela demande du courage.

Comme je comprends toutes ces femmes, ces hommes et ces enfants qui se taisent.

Comme je comprends leur sentiment de culpabilité.

Alors pour ma fille, pour ces femmes et ces hommes, pour moi,

je dépose ici que j'ai été violée à 8 ans au Cameroun par le gardien de notre maison.


Aujourd'hui j'ai "terminé" le processus d'amnésie traumatique est levé. Le processus avait commencé il y a un mois.

Je sais depuis 10 jours.

Je n'arrivais pas à nommer car depuis l'âge de 8 ans je m'étais identifiée au viol.

Je n'étais pas aimable depuis l'âge de 8 ans.

Depuis l'âge de 8 ans j'étais l'innommable, j'étais la souillure.

Je n'étais pas aimable depuis l'âge de 8 ans.

Depuis l'âge de 8 ans j'étais indigne d'être aimée.

Je n'étais pas aimable depuis l'âge de 8 ans.


Pouvoir nommer me permet de me dissocier du viol.

Pouvoir nommer me permet de me détacher de l'innommable.

Je ne suis pas le viol, je ne suis pas souillure.

Pouvoir nommer permet de guérir.


Je n'attends qu'une seule chose de vous, si vous lisez ce message,

c'est le respect de la parole qui est déposée ici. Elle est sacrée. 

Je ne veux aucun commentaire, je ne vous demande pas de comprendre.

Je vous demande de respecter.

La compassion est le seul sentiment à apporter en partage.


Je remercie ici les thérapeutes qui m'ont accompagnée depuis un mois, David, Aurélie, Agnès, Stéphanie, Reine-May, Caroline, Dorine votre médecine est à la hauteur de ma guérison, elle est puissante. Je remercie mon amie Esclarmonde toujours présente, attentive, bienveillante, soutenante, aimante. Elle était la seule à savoir...les autres ne m'en voulaient pas, je ne pouvais pas parler.

Je m'envoie plein de compassion à moi-m'aime...j'ai réussit à descendre à la cave une nouvelle fois et à ouvrir ce carton...on me dit que c'était le dernier qui restait à ouvrir. Alleluia !

Je suis Agnès, je suis devenue femme, accompagnée de toutes les petites Agnès que je suis allée consoler et dont je ne lâcherait pas les mains pour rien au monde. 

Je vous souhaite à tous et à toutes la possibilité de faire ces voyages vers vos traumatismes de l'enfance. ils sont très douloureux, leur douleur est à la hauteur de la guerison. 

Souvent je suis descendue à la cave ouvrir ces cartons. Ces voyages m'ont libérée, ils m'ont permis d'accueillir le meilleur de moi m'aime un peu plus à chaque fois. Aujourd'hui je suis digne d'aimer et d'être aimée d'un homme bon. Je navigue en eau claire, je n'ai plus de place pour les eaux troubles.

O mitakoye Oyasin.



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